Résumé :

La musicothérapie va au-delà de l’écoute musicale occasionnelle et nécessite l’intervention d’un musicothérapeute qualifié.
La musique a un impact sur le cerveau, stimule, relaxe et peut être bénéfique dans divers contextes médicaux.
Elle peut être utilisée pour traiter des troubles tels que la douleur, l’anxiété et la dépression, ainsi que pour stimuler les fonctions intellectuelles ou cognitives.
Le choix de la musique est essentiel, avec des séances planifiées selon des protocoles précis.
Malgré ses nombreuses applications bénéfiques, la musicothérapie n’a pas encore obtenu une reconnaissance institutionnelle généralisée.

Musicothérapie : les Pouvoirs Thérapeutiques de la Musique

La musicothérapie suscite des questions sur son efficacité réelle et ses applications spécifiques dans le cadre de différentes pathologies. À l’occasion de la Journée européenne de la musicothérapie, le neuropsychologue Hervé Platel apporte des éclaircissements.

Bien que souvent associée à l’hypnose, à la sophrologie ou à la relaxation, la musicothérapie est encore mal comprise dans ses définitions, modalités pratiques et domaines d’application. Par exemple, écouter de la musique avec des écouteurs dans le métro peut-il être considéré comme de la musicothérapie ? Selon Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l’Université de Caen et spécialiste de la musique dans le contexte médical, il est essentiel de faire une distinction :

« La simple écoute de musique par un individu ne relève pas de la musicothérapie. La musicothérapie se caractérise par l’application de soins dans un contexte thérapeutique, avec l’intervention d’un professionnel qualifié, un musicothérapeute. Trois éléments clés sont à prendre en compte : le passé médical du patient et les particularités de sa condition, la sélection de la musique appropriée, et la relation entre le patient et le thérapeute. »

Au départ utilisée principalement pour soulager des souffrances psychiques, la musicothérapie servait principalement à la relaxation et au renforcement de la confiance en soi. Au fil du temps, cette discipline s’est diversifiée et est désormais largement employée pour stimuler les fonctions intellectuelles et cognitives.

Hervé Platel distingue deux principales approches de la musicothérapie : l’approche active, où le musicothérapeute travaille avec des individus en groupe ou en séances individuelles, généralement autour de la pratique instrumentale ; et l’approche réceptive, qui repose sur la relaxation par la musique sous la médiation du thérapeute. La première méthode favorise l’expression de soi, facilite la communication et peut contribuer à la réintégration sociale de certains individus.

La méthode réceptive, quant à elle, est principalement utilisée pour traiter la douleur, l’anxiété et la dépression en utilisant la musique comme moyen de relaxation, de distraction et de détente, le tout sous la supervision du thérapeute. En relation avec le thérapeute, la musique peut également servir de déclencheur pour des échanges verbaux sur les émotions qu’elle suscite, participant à une analyse et à une prise de conscience des pathologies dans une approche psychanalytique.

Exemple d’une séance musicale composée selon les critères de la musicothérapie

La Musicothérapie : Une Véritable Médecine pour l’Âme et le Corps ?

Les effets bénéfiques de la musique sur une large gamme de pathologies sont depuis longtemps observés de manière empirique. Cependant, au cours des vingt dernières années, les avancées dans les techniques de neuro-imagerie ont permis d’identifier avec précision les effets et les modifications que la musique peut provoquer dans notre cerveau. Hervé Platel, professeur de neuropsychologie, explique ces phénomènes :

« La musique a la capacité de captiver notre attention très efficacement. Dès qu’il y a de la musique dans notre environnement, notre cerveau se synchronise de manière naturelle. Les mécanismes d’entrée de la musique dans le cerveau sont beaucoup plus complexes que ceux de la parole, par exemple. La musique peut stimuler, détendre, soulager la douleur, mais elle a également la capacité d’augmenter la plasticité cérébrale et de provoquer des modifications au niveau des connexions synaptiques.

Chez les personnes atteintes de troubles du spectre autistique, qui ont souvent une hypersensibilité à la musique, celle-ci a un impact significatif sur leur capacité d’attention et de concentration, réduisant ainsi les comportements problématiques. Pour les patients en rééducation neurologique suite à un traumatisme crânien ou un accident vasculaire cérébral, la musique peut accélérer la récupération de certaines fonctions intellectuelles endommagées. L’écoute régulière de musique peut améliorer les capacités d’attention et restaurer des fonctions cognitives défaillantes. »

Cependant, Hervé Platel tient à souligner que la musicothérapie n’est pas une méthode miraculeuse. Il explique :

« Dans le contexte des maladies neuro-dégénératives telles qu’Alzheimer, la musicothérapie peut en effet retarder les effets de la maladie, mais elle n’a pas d’impact sur la guérison elle-même. La progression de la maladie reste inévitable. Cependant, la musicothérapie réussit à activer les capacités de mémoire résiduelles. Même lorsque les patients semblent avoir perdu toute leur mémoire, ils sont capables de mémoriser de nouvelles mélodies et de les reproduire, même s’ils n’en retiennent pas les paroles. »

Le Pouvoir de la Musique : Quelles Musiques pour Quels Traitements ?

Dans le cadre de la musicothérapie, le choix des musiques utilisées est soigneusement planifié et adapté au patient. Rien n’est laissé au hasard, et un protocole précis est suivi. Le patient peut exprimer ses préférences en matière de style musical, mais les musicothérapeutes utilisent une matrice spécialement conçue pour le traitement. Cette matrice suit une logique en forme de “U” et comprend trois phases : stimulante, relaxante, puis à nouveau stimulante.

Au début de la séance, la musique présentée au patient a un rythme proche de celui de son rythme cardiaque, avec des harmonies riches. Ensuite, le rythme ralentit progressivement, et la complexité musicale diminue. Dans la dernière phase, le rythme s’intensifie à nouveau, et les harmonies deviennent plus complexes.

En ce qui concerne le profil idéal d’un musicothérapeute, il est essentiel que l’intervenant soit formé aux techniques spécifiques en fonction de la pathologie traitée. La compétence en musicothérapie ne dépend pas nécessairement d’une formation musicale, mais plutôt de la capacité à utiliser la musique de manière thérapeutique. Le musicothérapeute doit connaître les techniques de traitement ou de rééducation thérapeutique spécifiques à la pathologie en question.

L’approche sera différente selon qu’il s’agisse de traiter la maladie d’Alzheimer, l’autisme ou de prendre en charge un grand prématuré. Tout cela doit être contextualisé en fonction de l’histoire du patient. L’expérience et la compréhension des besoins individuels du patient sont donc essentielles pour un musicothérapeute, quel que soit son bagage musical.

La Musicothérapie : Une Pratique Thérapeutique Encore Non Reconnue

La musicothérapie est largement utilisée dans les hôpitaux et les centres de soins, mais elle peine encore à obtenir une reconnaissance formelle. L’hétérogénéité des pratiques et des approches en musicothérapie rend difficile l’évaluation objective de ses effets sur la santé.

Actuellement, il n’existe pas de cadre institutionnel clairement défini pour la musicothérapie, ce qui complique sa reconnaissance. La plupart des interventions sont menées par des bénévoles, car il n’y a pas de financement spécifique pour cette discipline. Souvent, les interventions sont considérées comme relevant du domaine culturel ou de l’animation. Lorsqu’un établissement de soins souhaite engager un musicothérapeute, il a tendance à embaucher un professionnel de la santé tel qu’un aide-soignant ou un infirmier qui a suivi une formation en musicothérapie.

L’une des raisons de cette situation est le manque de preuves scientifiques solides quant aux effets cliniques de la musicothérapie sur la santé. Toutefois, de plus en plus d’études de validation sont menées, et les avancées en neurosciences pourraient jouer un rôle déterminant dans les années à venir en fournissant des preuves physiologiques de l’impact de la musique sur la santé. Cette évolution pourrait contribuer à une meilleure reconnaissance de la musicothérapie en tant que discipline thérapeutique légitime.

Source :

https://www.francemusique.fr/actualite-musicale/la-musicotherapie-la-connaissons-nous-vraiment-1321
https://www.francemusique.fr/actualite-musicale/musique-et-sante-la-musicotherapie-et-la-maladie-d-alzheimer-1281